Par Francis Wurtz, membre honoraire du Parlement européen
Les négociations de paix en Ukraine « pourraient commencer cet hiver en hiver » ! C’est le Premier ministre polonais Donald Tusk, plus proche allié de Kiev – et futur président du Conseil européen au premier semestre 2025 – qui l’a annoncé le 10 décembre. Poutine, de son côté, affirme que « si une volonté de négocier émerge , nous ne refuserons pas ». C’est encourageant, même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir !
Ainsi, le président Zelensky a accompagné son accord de cessez-le-feu de l’exigence de « placer le territoire ukrainien que nous contrôlons sous l’égide de l’OTAN ». Mais de son côté, Vladimir Poutine conditionne d’éventuels pourparlers au fait qu’ils s’appuient « sur les documents sur lesquels nous nous sommes mis d’accord à Istanbul » au printemps 2022. De quel compromis russo-ukrainien s’agit-il ? ? Selon le quotidien allemand « Die Welt », il s’agirait d’un projet d’accord établi le 15 avril 2022 entre les deux belligérants, prévoyant, à l’époque, notamment… « la neutralité permanente » de l’Ukraine (1).
L’autre question cruciale dans une telle négociation est bien entendu le futur statut des territoires occupés par l’armée russe : le Donbass, voire la Crimée, reviendront-ils à la souveraineté ukrainienne ? Le réalisme de cette perspective divise désormais le « camp occidental ». Si Zelensky affirme aujourd’hui penser pouvoir récupérer la souveraineté ukrainienne sur tous ces territoires « par la voie diplomatique », ses alliés semblent bien plus dubitatifs. «On peut espérer que Trump refusera de se plier aux exigences de Poutine (…). Mais il faut se confronter à la réalité », estime par exemple un groupe d’anciens diplomates français (2). Sous-entendu : l’Ukraine ne récupérera pas les territoires conquis par Moscou.
Une telle issue n’était pas fatale ! Il faut le répéter pour contribuer à tirer les bonnes leçons de la terrible tragédie que représente cette guerre : une solution politique conforme au droit international était possible il y a plus de deux ans. Et aurait épargné des dizaines de milliers de victimes. Le chef d’état-major général des forces armées américaines de l’époque, le général Mark Milley, déclarait lui-même le 16 novembre 2022 : « La probabilité d’une victoire militaire ukrainienne, consistant à expulser les Russes de toute l’Ukraine (…) n’est pas haut. » En revanche, « Il peut y avoir une solution politique, où, politiquement, les Russes se retirent : c’est possible ! » (3). Le plus haut gradé de l’armée américaine prenait ainsi le contre-pied du chef du Pentagone, le général Austin, dur parmi les durs, qui, quelques mois plus tôt, lors d’une visite éclair à Kiev, avait défendu le principe de l’escalade militaire : « Les Ukrainiens peuvent gagner s’ils disposent du bon équipement et du bon soutien », a-t-il déclaré, ajoutant : « Nous voulons voir la Russie affaiblie. » (4). Joe Biden optera pour la ligne dure, les dirigeants européens aussi, certains même avec zèle !
On apprend ainsi que, dès le 15 avril 2022, après les premiers pourparlers russo-ukrainiens évoqués plus haut, qui visaient justement à avancer sur la voie d’une solution politique, l’aile dure des dirigeants européens s’était mise en branle. Selon Poutine, le Premier ministre britannique Boris Johnson s’est précipité à Kiev pour pousser l’exécutif ukrainien à refuser cette voie, au profit de la recherche d’une victoire militaire. Johnson a nié cet épisode embarrassant, mais… le chef de la délégation ukrainienne, Davyd Arakhamia, l’a confirmé (5). Même si cela ne change rien à la responsabilité russe dans l’agression contre l’Ukraine, il faudra, le moment venu, approfondir la réflexion sur toutes les séquences qui ont marqué et marquent encore le désastre de cette guerre. Dans l’immédiat, rien ne devrait compromettre le cessez-le-feu espéré.
(1) « Le Monde » (mai 2024)
(2) Tribune « Guerre en Ukraine : il faut mettre fin à l’affrontement sanglant » (« Le Monde », 9 décembre 2024)
(3) « Ouest-France », 20 novembre 2022
(4) “L’Orient-le Jour”, April 25, 2022
(5) Conférence de presse de Davyd Arakhamia, novembre 2023
Être le journal de la paix, notre défi quotidien
Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.
- Qui renseigne encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
- Combien de médias le soulignent luttes de décolonisation existent toujours, et qu’il faut les soutenir ?
- Quelle est la valeur solidarité internationaleet s’engager sans ambiguïté aux côtés des exilés ?
Nos valeurs n’ont pas de frontières.
Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !
Related News :