Baisser son chauffage de quelques degrés, recourir plus souvent au covoiturage, télétravailler plus fréquemment, consommer moins de protéines animales… La sobriété figure depuis longtemps en bonne place dans les scénarios développés par l’association négaWatt et plus récemment dans certains scénarios Ademe 2050. Consécration ultime, elle a fait son entrée dans le dernier rapport du GIEC sous le nom de « suffisance ».
Ce terme, devenu incontournable dans la langue anglaise et auquel les Français ne trouvent pas d’équivalent, désigne « un ensemble de mesures politiques et de pratiques quotidiennes qui évitent la demande d’énergie, de matériaux, de terres, d’eau et de toutes les ressources naturelles, tout en garantissant le bien-être humain pour tous dans les limites de la planète. » Il est également apparu en 2022 dans le plan européen RePowerUE, en réponse aux tensions sur le marché de l’énergie et à la nécessité de réduire notre consommation collective et donc notre dépendance au gaz russe.
Sobriété énergétique : les dix commandements des collectivités territoriales
La sobriété ouvre la voie à la neutralité carbone
Cette montée en puissance n’est pas une coïncidence, mais s’explique au contraire par le rôle que pourrait jouer la sobriété dans l’atteinte des objectifs climatiques. En effet, les réductions de consommation d’énergie qu’elle induit peuvent servir à combler une partie du respect de certains objectifs comme ceux fixés par l’accord de Paris, notamment lorsqu’on renonce à des technologies moins matures, comme le captage et le stockage du CO2 ou l’hydrogène vert.
Selon le scénario CLEVER (vision collaborative basse énergie pour la région européenne), élaboré en 2023 sous l’égide de l’association négaWatt, la sobriété pourrait contribuer à elle seule à 40 % de la réduction de moitié de la consommation d’énergie attendue entre 2019 et 2050.
NégaWatt distingue la sobriété dimensionnelle (par exemple, utiliser des véhicules dont la taille et la puissance sont adaptées aux besoins de déplacements) ; la sobriété coopérative (basée sur le partage de matériels ou de services) ; la sobriété d’usage (consistant à réduire la durée, l’intensité ou la fréquence de certaines activités comme le chauffage ou les déplacements longue distance) et la sobriété organisationnelle ou structurelle (visant à rationaliser la consommation d’espace et à minimiser les déchets). besoins en transports et en ressources, par exemple à travers les zones urbaines limitant les distances nécessaires pour accéder aux lieux de travail, aux commerces ou aux services publics).
Agir sur la demande et pas seulement sur l’offre énergétique
Comme le souligne Enerdata, société de recherche indépendante spécialisée dans l’analyse et la prévision des enjeux énergétiques et climatiques dans une note sur le sujet intitulée La sobriété, la pièce manquante du puzzle énergétique européen ?traditionnellement, la sobriété est peu mobilisée comme levier dans les scénarios énergétiques, qui s’appuient davantage sur des leviers du côté de l’offre (énergies renouvelables, électrification, production d’H2) que de la demande.
Sans inclure les indicateurs de sobriété à proprement parler, certains reconnaissent l’impact potentiel des changements de comportement et de mode de vie sur la demande énergétique. Pour le GIEC, « la mise en place de politiques, d’infrastructures et de technologies appropriées pour changer nos modes de vie et nos comportements peut conduire à une réduction de 40 à 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. », rappelle Enerdata.
Le GIEC sur la biodiversité conseille de s’attaquer à d’autres problèmes
Les scénarios combinant leviers d’efficacité énergétique et de sobriété convergent autour d’une réduction de 50 à 55 % de la consommation finale d’énergie en 2050. Donner la priorité à la réduction de la demande permet d’atteindre la neutralité carbone sans dépendre de technologies à faible maturité, tout en limitant les importations, les dépendances, les risques. et l’externalisation des dommages environnementaux et sociaux.
Économies d’énergie dans les bâtiments et les transports
Enerdata intègre désormais le levier de la sobriété dans son scénario le plus ambitieux. Historiquement, ses hypothèses de consommation d’énergie étaient calculées sur la base du PIB et d’un signal prix. « Mais avant d’ajouter de la sobriété, cela ne permettait pas de respecter l’objectif « bien en dessous de 2°C » (comprendre, un réchauffement de la température moyenne mondiale en dessous de +2°C) sans recourir au captage et au stockage de CO2 ou de vert. hydrogène… » reconnaît Pascal Charriau, PDG d’Enerdata. ” Nous avons décomposé les leviers de la sobriété en différents indicateurs – covoiturage, télétravail, aménagement du territoire – que nous avons variés dans les fourchettes indiquées par la littérature scientifique sur le sujet. », ajoute Aurélien PEFFEN, co-auteur de la note.
Concilier sobriété énergétique et budgétaire : la difficile équation que veut résoudre Bercy
Il ressort de ces calculs que les économies d’énergie réalisées grâce à la sobriété permettraient d’atteindre 23% dans le bâtiment (ce qui représente plus d’un tiers de la consommation globale), grâce à des mesures relatives au chauffage, à la climatisation, à l’électroménager, à l’éclairage. , la cuisine et même l’eau chaude. Cette baisse pourrait atteindre 42% dans les transports en affectant le volume des déplacements, le nombre de passagers par véhicule et une baisse de la production de véhicules générant une baisse de la demande d’acier et de terres rares.
Une équation économique positive pour la communauté et certains acteurs
Contrairement à l’efficacité énergétique avec laquelle on la confond souvent – qui consiste à rendre le même service en réduisant la consommation d’énergie et qui passe essentiellement par le progrès technologique – la sobriété s’inscrit dans un domaine plus sociétal. . Cela nécessite des actions à la fois individuelles et collectives, qui s’accompagnent souvent d’économies concrètes.
Pour le portefeuille du consommateur final, par exemple en matière de chauffage. Pour certains secteurs d’activité, comme la rénovation thermique des bâtiments, un préalable à la sobriété sans tomber dans la précarité. Et de manière générale, pour la collectivité via les co-bénéfices qu’elle apporte. Ainsi, moins de déplacements en voiture signifie aussi moins de pollution, plus d’exercice physique, et donc moins de dépenses de santé. Moins d’énergie consommée signifie également potentiellement une baisse des coûts pour le système énergétique dans son ensemble.
En revanche, pour certains acteurs (par exemple les constructeurs automobiles), l’équation économique de la sobriété est moins évidente et nécessite une véritable refonte du modèle économique.
De plus, certains efforts de sobriété nécessitent des infrastructures ad hocun cadre réglementaire approprié, voire de nouvelles normes sociales, tout cela demande du - et une forme de consensus.
Related News :