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Le Canadien est-il au-dessus de la guerre ?

Sur cette photo, Kent Hughes fait une pause, tout sourire, avec le controversé Roman Rotenberg. Un jeune oligarque russe qui fait partie des « membres clés de son entourage » de Vladimir Poutine qui ont été sanctionnés par le gouvernement du Canada dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

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Il existe plusieurs angles que vous pouvez adopter pour une histoire. On peut simplement dire que la direction du Canadien s’est rendue en Russie pour s’assurer que le développement d’Ivan Demidov, leur dernier choix de première ronde, se passe mieux.

On peut se limiter à ça, enfiler notre maillot canadien et rêver d’un premier trio avec Demidov, Caufield et Suzuki.

Mais c’est bien plus que cela, à mon humble avis.

Le directeur général du Canadien, Kent Hughes, son conseiller Vincent Lecavalier ainsi que le codirecteur du recrutement, Nick Bobrov, sont à Saint-Pétersbourg, en Russie, pour rencontrer Demidov et la direction de son équipe, le SKA. C’est le média russe MatchTV qui a diffusé cette nouvelle, rapportant les propos de l’entraîneur du SKA Roman Rotenberg, souhaitant que des « négociations » aient lieu.

“Nous discuterons de l’évolution d’Ivan Demidov et des moyens d’améliorer ses progrès”, a raconté Rotenberg.

Mon collège Nicolas Cloutier a publié en octobre un long rapport qui dressait un portrait de Rotenberg (lire ici).

C’est tellement absurde

Ne faisons pas de détours : c’est absurde que ce type soit entraîneur. C’est une mascarade qui révèle à quel point la KHL est une farce. C’est du copinage, de l’incompétence et de la politique.

Il a été nommé entraîneur-chef même s’il n’avait jamais été entraîneur de sa vie. C’était un homme d’affaires qui était vice-président d’une banque russe. Il est le fils de Boris Rotenberg, un autre grand ami de Poutine également sanctionné dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

C’est donc Roman Rotenberg qui a pour mission d’entraîner Ivan Demidov cette année. Nous comprenons l’inquiétude du Canadien.

Si vous avez suivi, vous verrez que Demidov connaît une saison terrible. Pas en termes de points, mais pour tout le reste. Il est mis sur le banc sous prétexte qu’il ne fait pas bien son travail, qu’il doit apprendre à mieux jouer pour mériter sa place.

C’est tellement absurde. C’est politique.

Il compte 20 points en 34 matchs et possède un différentiel de +14.

Mais il joue en moyenne 10 minutes par match, selon les statistiques du site de la KHL. Mettez-le à 20 minutes par match, comme c’est la moyenne des meilleurs attaquants de la ligue, et Demidov est… le meilleur buteur de la KHL, facilement. Son différentiel de +14 est déjà parmi les meilleurs de la ligue.

Ce n’est pas si mal pour un joueur critiqué pour son jeu défensif. Je le répète, c’est un non-sens.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, aucun autre dirigeant d’équipe de la LNH n’a osé se présenter dans le pays de Vladimir Poutine, à moins de s’y rendre en secret. Même Daniel Brière n’a pas mis les pieds en Russie dans l’épineux dossier Matvei Michkov.

Il est en effet fortement déconseillé de se rendre en Russie alors que la guerre avec l’Ukraine a déjà fait près de 300 000 morts, selon le Journal de Wall Street.

En tant que fan du CH, c’est génial. L’organisation constate que son joyau n’est pas entre de bonnes mains, que cela pourrait compromettre son développement, et part, tel un chevalier, délivrer ou aider l’enfant divin.

Inconfortable

Mais regardons-le maintenant comme quelqu’un qui s’en fout des Canadiens ou du hockey.

La direction du Canadien se rend dans un pays indirectement ennemi du Canada dans le cadre d’un conflit armé où le président de ce pays est accusé de plusieurs crimes de guerre. Le Canada a engagé près de 20 milliards de dollars pour aider un autre pays à se défendre contre le pays envahisseur.


PhotoAFP

Et le CH n’y arrive pas en cachette. C’est joyeux, avec une photo rendue publique. En fait, peut-être que Kent Hughes ne voulait rien avoir à voir avec la publication de cette photo. Du moins, je l’espère.

Il reste plutôt inconfortable de voir la direction du Canadien négocier avec la KHL, dont le président est le controversé oligarque aux 23 milliards de dollars Gennady Timchenko, ancien président du club de Demidov.

Timchenko fait également partie d’un cercle restreint du pouvoir russe en tant qu’homme d’affaires et ami proche de Vladimir Poutine. Il a également fait l’objet de plusieurs sanctions internationales en lien avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Son yacht a été saisi et ses avoirs gelés.

Tout est politique

Alors oui, pour les fans canadiens, on comprend le séjour de Kent Hughes. Mais pour le symbole et le message qu’il envoie, c’est là qu’on peut se poser des questions.

Imaginez expliquer cela à une veuve de Kharkiv qui a également perdu un enfant après que sa maison ait été bombardée par les frappes russes. Qu’un directeur général d’une équipe canadienne de hockey soit allé prendre une photo, tout sourire, avec un proche de Poutine afin d’aider à la reconstruction de son équipe.


PhotoAFP

Je ne suis pas sûr qu’elle trouverait ça normal.

Nous comprenons que ce qui arrive à Demidov est injuste, mais il ne se trouve pas non plus dans un goulag en train de manger de la bouillie chaque jour. Il n’y a pas beaucoup d’Ukrainiens qui devraient être indignés par le - de jeu de Demidov, par exemple dans la KHL.

Vous me direz qu’il ne faut pas mélanger politique et sport. Désolé, mais tout est politique dans cette affaire. Tout est politique dans la KHL.

– Avec la collaboration du Bureau d’enquête, Kevin Dubé et Jessica Lapinski

 
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