Le meurtre de Cherzat Polat, un adolescent de 16 ans, n’est pas passé inaperçu au Kazakhstan. De nouveaux éléments entourant l’affaire sont apparus et ont attiré l’attention du public. Soutenu par la population, le père continue de réclamer une enquête équitable de la part des autorités, même si le pouvoir local est remis en cause.
Le 15 décembre, des élections municipales ont eu lieu dans la ville de Talgar, près d’Almaty, au sud du Kazakhstan. Cette échéance électorale, initialement non prévue, faisait suite à la destitution le 15 octobre de l’ancien maire après le meurtre d’un adolescent dans sa ville, indique la branche kazakhe du média russe Spoutnik.
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L’assassinat, le 4 octobre, de Cherzat Polat, un garçon de 16 ans, n’est pas resté un simple fait divers cantonné à Talgar. La famille a porté l’affaire sur les réseaux sociaux, ce qui a déclenché une vague de soutien du public et conduit à une couverture médiatique nationale de l’affaire. Le cas de cet adolescent a eu un fort écho dans la société kazakhe, mais les suites de l’affaire ont eu des répercussions tant sur sa famille que sur les autorités locales.
Un meurtre suite à une dispute
Les événements se sont déroulés dans la nuit du 4 octobre à Talgar. Des hommes sont entrés dans le magasin d’alimentation tenu par le père de Cherzat Polat pour acheter une bière. Mais les clients n’avaient pas l’intention de payer, ce qui a déclenché une dispute avec le père, le fils et son oncle, rapporte l’agence kazakhe Tengrinews. En quittant le magasin, les clients appelaient des connaissances qui arrivaient ensuite sur place. Selon le père, 13 individus armés de couteaux étaient présents.
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Une bagarre s’ensuit entre ces individus, l’adolescent et ses proches. Le jeune Cherzat Polat a été touché au cœur et aux poumons. Son oncle a également été poignardé. Le père s’est précipité pour les emmener à l’hôpital où les médecins ont déclaré que son fils était mort des suites de ses blessures.
Le début de l’enquête
Le 7 octobre, une manifestation de soutien à la famille a eu lieu devant la mairie de Talgar, rapporte le média kazakh Orda. L’événement, qui a rassemblé environ 150 personnes, a permis au père de l’adolescent assassiné de s’exprimer dans une vidéo diffusée sur le compte Instagram du média local Kris P Talgar : « Mon fils ne peut pas être ramené. Je suis descendu dans la rue parce que je veux que l’enquête soit équitable et que le procès soit public. Et aussi pour que ce type de cas tragique ne se reproduise pas à l’avenir. »
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Dans le même -, il explique dans la vidéo son mécontentement face à la passivité des autorités et au début de l’enquête : « Ils ne connaissent même pas l’identité de mon fils. Ils nous appellent en pleine nuit, nous intimident et nous obligent à rédiger des déclarations. »
Le même jour, la Direction régionale de la police d’Almaty (DPRA) a annoncé avoir ouvert une enquête pour homicide et l’avoir placée en détention provisoire. “tous les participants à l’incident”. Il s’agit de sept individus soupçonnés d’être impliqués dans le crime, précise le parquet de la région d’Almaty sur Instagram.
Le 9 octobre, les autorités ont nuancé l’affaire “homicide sur mineur” et indiquer que l’enquête est désormais placée “sous contrôle spécial du ministère de l’Intérieur”. Le ministre de l’Intérieur Erjan Sadenov précise qu’une équipe du ministère est sur place « pour garantir l’exhaustivité et la qualité de l’enquête »mentionne Tengrinews.
La tension monte
Dans une nouvelle vidéo publiée le 10 octobre sur TikTok, Karjaoubaï Nourymov, le père de l’adolescent, s’est adressé à ses compatriotes, rapporte l’agence kazakhe Kazinform. Il remercie toutes les personnes qui le soutiennent, tout en appelant au calme : « J’ai une demande à faire au peuple : ne pas organiser de rassemblements et éviter les effusions de sang. Mes ennemis pourraient en profiter pour me faire souffrir. Je veux un procès équitable, conformément à la loi. »
Karjaoubaï Nourymov dit également avoir fait l’objet de menaces et d’intimidations, avoir peur « pour la sécurité de [sa] famille “ et que des individus se sont déjà rendus chez lui. « Mes frères, tout le monde, n’incitons pas à la violence ni à aucun rassemblement. C’est ce que je demande. Mon fils est mort et maintenant je ne veux pas que d’autres enfants souffrent.dit-il.
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Dans la nuit du 12 octobre, la maison familiale de Cherzat Polat a subi un important incendie. Personne n’était présent sur place après les funérailles de l’adolescent, a indiqué Spoutnik. Une nouvelle enquête a donc été ouverte pour «destruction intentionnelle des biens d’autrui». Suite à la menace qui pèse sur les proches de la jeune victime, la famille a été placée sous protection policière et a bénéficié d’une aide pour être relogée temporairement.
L’incendie de la maison a alerté le ministère de l’Intérieur de la possible montée des tensions dans la ville, alors que l’affaire prenait de l’importance dans la société. Dès le 13 octobre, le ministère de l’Intérieur a décidé d’y envoyer la Garde nationale. “assurer la sécurité et maintenir l’ordre public”relaye Radio Azattyq, la branche kazakhe du média américain Radio Free Europe.
Les autorités locales impliquées
Cette affaire a mis un pied dans la fourmilière des autorités locales. Le 15 octobre, le service de presse du conseil provincial de Talgar a annoncé que le maire et son premier adjoint avaient été démis de leurs fonctions pour « manquement à leurs devoirs ». Dans le même -, le chef de cabinet du chef de la province de Talgar, Aslan Kassymbayev, a été démis de ses fonctions. Des mesures disciplinaires contre le chef de la province et son adjoint ont été prises.
Le 18 octobre, c’est au tour du procureur adjoint de la région d’Almaty et du procureur de la province de Talgar d’être démis de leurs fonctions, rapporte le bureau du procureur général du Kazakhstan. Il s’agit d’une décision disciplinaire en réponse à « l’existence d’une négligence considérable dans le contrôle de la légalité des procédures pénales. »
Les licenciements se sont poursuivis même dans les corps de police locaux. Le 19 octobre, la DPRA a vu la nomination d’un nouveau chef, tandis que le premier adjoint, le chef du département de lutte contre l’extrémisme, le chef de la police criminelle, le chef du département de lutte contre la criminalité organisée et son adjoint ont été limogés le 19 octobre. les arrêtés du ministre de l’Intérieur, rapporte l’agence kazakhe KazTAG. Le chef du département de police de la province de Talgar a également été concerné par ces mesures.
Une organisation criminelle derrière l’affaire ?
Des rumeurs sur l’implication dans l’affaire d’une organisation criminelle locale appelée Khoutorskie sont apparues peu après le drame. De leur côté, les autorités ont nié l’existence d’un tel groupe à Talgar, souligne le média kazakh Vlast. Selon les rumeurs, son chef serait un certain Khassan Kassymbayev.
Dans un entretien accordé à Orda, il reconnaît être le frère de l’ex-fonctionnaire Aslan Kassymbaïev, mais réfute toute participation à une organisation criminelle et explique avoir toujours respecté la loi. Il indique que son autre frère est condamné depuis 2017 à 14 ans de prison pour le meurtre d’un douanier.
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Le 2 novembre, la police a annoncé l’arrestation de Khassan Kassymbayev pour « atteinte grave et délibérée à l’intégrité physique et enlèvement »des faits datant d’il y a trois ans, relaie le média kazakh Kursiv. Le ministère de l’Intérieur a communiqué sur l’absence de lien entre l’individu et l’affaire Cherzat Polat.
L’enquête continue
Baourjan Alenov, premier adjoint du ministre de l’Intérieur, a révélé le 15 octobre l’arrestation de trois nouveaux suspects, portant leur nombre à dix, rapporte le média kazakh Zakon.kz. A ce stade, plusieurs dossiers ont été ouverts « vandalisme, menaces, homicide et non-dénonciation »précise-t-il.
Les autorités ont publié le même jour les images de vidéosurveillance qui sont en cours d’examen par les enquêteurs, note Kursiv. L’enregistrement révèle de nouveaux éléments comme le fait que la dispute a débuté après qu’un des suspects a montré quelque chose au père de l’adolescent sur son téléphone, ou encore que ce dernier tenait également un couteau au début de l’altercation. Le procureur général adjoint Galymjan Koigueldiev a déclaré plus tard qu’aucune accusation n’avait été portée contre le père, rapporte Tengrinews.
Le 17 octobre, un 11e suspect a été arrêté dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Cherzat Polat, note Spoutnik. “Un ensemble de mesures d’enquête visant à établir toutes les circonstances de l’incident est actuellement en cours”a informé le ministère de l’Intérieur.
Nouveaux éléments liés au dossier
Alors que l’affaire commençait à se calmer, des nouvelles sont venues mettre à jour le cas de l’adolescent assassiné. L’oncle de Cherzat Polat a été retrouvé mort le 9 décembre, indique Tengrinews. Selon la police, “Tout indique qu’il s’agit d’un suicide” et non un meurtre.
Un autre dossier a été ouvert après les obsèques de l’oncle, le 10 décembre. Le suspect s’avère être le père de Cherzat Polat qui, au moment des obsèques, menaçait la police, armé d’un couteau, et a endommagé un véhicule, relaye Radio Azattyq. Il a exigé une enquête équitable afin que la lumière soit faite sur la mort de ses proches.
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Karjaoubaï Nourymov a finalement été arrêté et condamné à 15 jours de détention pour vandalisme le 11 décembre, ses avocats n’ayant pu faire appel. Pour “des appels à manifester”le cousin du père de Cherzat Polat a été condamné à la même peine ainsi qu’à l’expulsion du territoire, n’étant pas citoyen kazakh, rapporte Orda.
Le parquet de la région d’Almaty a rendu compte de l’évolution de l’affaire le 13 décembre. Selon cette annonce, l’enquête est à cette date en “phase terminale, les investigations nécessaires ont été menées, tous les suspects arrêtés”. L’affaire sera prochainement remise aux différentes parties afin qu’elles puissent prendre connaissance du dossier, précise le parquet.
Claude Foucaud
Rédacteur pour Novastan
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