Français né en Espagne, Michel del Castillo, décédé mardi 17 décembre à l’âge de 91 ans, n’a jamais quitté dans ses livres, écrits avec vivacité, le champ des ruines d’une jeunesse vécue entre la monstruosité de deux guerres et de deux parents.
« Contrairement à ce que tant de gens imaginent, l’écriture n’offre aucune consolation. Plus je creuse dans les mots, plus mon malheur s’approfondit. »dit ce passionné de Dostoïevski, à qui il a consacré un essai, “Mon frère idiot” (1995).
Auteur de quelque 45 livres, pour la plupart des romans dont son dernier “L’expulsion” publié en 2018, il a reçu le prix des libraires et des Deux Magots en 1973 pour “Le vent de la nuit”le Renaudot en 1981 pour « La Nuit du Décret »RTL-Lecture pour « Le crime des pères » (1993), Femina-essai pour « Colette, une certaine France » (1999) and Méditerranée for its « Dictionnaire des amoureux de l’Espagne » (2005).
Michel Janicot del Castillo, de son vrai nom, est né le 2 août 1933 à Madrid d’une mère espagnole et d’un père français. Abandonnant femme et enfant, ce dernier rentre en France à la veille de la guerre civile espagnole.
Proche des Républicains, sa mère, Candida, passe un an en prison puis se réfugie avec son fils à la fin des années 1930 en France. Son ex-mari, à qui elle réclame constamment de l’argent, la dénonce aux autorités comme « étranger indésirable » et la fait interner, avec Michel, dans un camp de réfugiés à Mende (Lozère), aux conditions de vie difficiles.
Candida elle-même livre le petit garçon à la police allemande en échange de sa propre liberté. Il fut envoyé travailler dans des fermes en Allemagne en 1942, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
« Mémoire d’éléphant »
L’errance semble interminable. Il se retrouve pendant quatre ans dans un centre de réforme à Barcelone d’où il s’évade en 1949 : c’est « une colonie pénitentiaire. j’ai été classéfils de rouge“, nous avons été battus, nous avons été affamés”.
L’adolescent trouve un répit dans une école jésuite d’Andalousie où, grâce à un moine, il découvre la littérature.
Dans les années 1950, il revit son père – qui semblait arrogant, raciste, franchement odieux – puis sa mère : “l’enfant que j’avais été l’aimait, l’adulte que j’étais devenu ne l’aimait pas”. Lui qui se croyait enfant unique a découvert qu’elle avait six enfants, de pères différents. “Elle nous a tous abandonnés à peu près au même âge, 8 ou 9 ans”dira-t-il.
« C’étaient deux monstres, lui médiocre, elle géniale. Ils n’aimaient pas.
Un oncle généreux et sa femme emmènent Michel à Paris. La vie commence. Il étudie la littérature et la psychologie et commence à écrire. Son premier roman, “Tanguy” (1957), en grande partie autobiographique – écrit en français, comme le reste de son œuvre – est une réussite.
« J’ai une mémoire éléphantesque. Très tôt, j’ai dû me sentir en danger de mort et ma mémoire émotionnelle a travaillé pour me sauver. »a-t-il déclaré au magazine L’Express. Bien sûr, il n’a jamais cessé de creuser ce passé traumatisant, mais il l’a fait en tant qu’écrivain et artiste, sans vouloir avant tout créer une œuvre autobiographique.
“D’un père français” (1998) commence comme un thriller tragique : «J’ai rendez-vous avec mon assassin. C’est mon père ». Et dans « Mètres » (2010), inspiré par sa mère, il écrit : « tout dans cette existence tissée de mensonges et de parjures inspirait la terreur ».
Outre la fiction et un peu de théâtre, Michel del Castillo, qui a donné son nom à une école de Mende, est l’auteur d’essais tels que « Algérie, extase et sang » (2002) ou « Le - de Franco » (2008).
Membre du comité d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, il a passé une grande partie de sa vie en Provence, près de Nîmes.
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