Mathias Charton. 44 ans. Directeur de chœur et inspecteur régional de l’éducation musicale (entre autres). Conçoit la musique comme un levier d’émancipation. Projet de transmission jusqu’à la retraite.
Un costume gris et une coiffure parfaitement disciplinée. Au premier abord, Mathias Charton impressionne par son sérieux. Il faut dire que son rôle d’inspecteur régional de l’éducation musicale a de quoi en intimider plus d’un. Mais derrière cette façade se cache un véritable amoureux de musique et des gens pour qui la transmission est un leitmotiv. Transmettre. Donnez une chance de vous élever et de vous épanouir grâce à cet art. Humble, Mathias Charton veut rendre ce qu’on lui a donné. Il vient d’un milieu assez modeste voire très modeste » mais passionné de notes. Ses grands-pères, l’un couvreur, l’autre agriculteur, jouaient du saxophone dans l’orchestre d’harmonie de Méry-sur-Seine. ” À la fin de sa vie, mon grand-père maternel dirigeait même la fanfare locale. », explique-t-il avec fierté. Après son bac et quelques années en usine, son père rejoint l’orchestre militaire pendant son service pour jouer du trombone. Il ne le quittera plus jamais. ” Il y reste toute sa carrière et devient chef de la musique militaire. Sa pratique fait l’effet d’un ascenseur social. Grâce à elle, il a pu se réaliser et s’émanciper d’un environnement qui pouvait être difficile. » Né à Dijon, même s’il ne se sent pas « pas bourguignon pour un sou », Mathias vit selon les obligations professionnelles de son père et déménage régulièrement. Un schéma qu’il finira par reproduire à son tour, en fonction des besoins, car, comme Rambo, qu’il aime citer (oui, oui), il vit” au jour le jour « . Sa mère était professeur de saxophone. ” J’étais immergé dans cet univers. J’ai commencé le trombone à l’âge de 8 ans et j’ai très vite exprimé l’envie d’en faire un métier, un projet de vie. »
Développement et émancipation
Aujourd’hui, Mathias Charton se sent chanceux. Pourtant, à 44 ans, son parcours est impressionnant. Formé au prestigieux Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSM) et titulaire de l’agrégation, il enseigne à l’école primaire mais aussi dans les écoles de musique, au conservatoire, dans des associations et dans l’enseignement supérieur. Chef de chœur et d’orchestre – 500 voix pour Queen, c’est lui –, directeur du master de Seine-Maritime, qu’il a mené aux championnats du monde, lauréat de prix internationaux ou encore délégué académique à l’action culturelle à Poitiers… Ses activités se succèdent les uns les autres ou se chevauchent et ” se nourrir les uns des autres « . Vous avez dit hyperactif ? ” Je n’ai pas été diagnostiqué mais il est possible qu’il y ait quelque chose comme ça, oui », rit-il.
« Ils ne m’ont pas laissé abandonner. »
Fier, il l’est, mais apporte néanmoins certaines nuances. ” Avec le recul, j’étais entouré d’un environnement extrêmement favorable. Mes parents étant musiciens, ils m’ont formé depuis que je suis petit. Je jouais tous les soirs dans des orchestres, je faisais des concerts le week-end, on m’emmenait faire des ateliers avec les meilleurs… Tout cela a dû jouer, donc mon mérite est encore relatif. »
Mathias Charton en est convaincu, la musique est un « outil de développement et d’émancipation » qu’il s’efforce de transmettre à son tour. ” C’est aussi pour cela que j’ai choisi l’Éducation Nationale. Il permet à tous les étudiants de pouvoir expérimenter n’importe quelle expression artistique. » Et comme ses parents avant lui, le musicien et son épouse Roxane éduquent également leurs filles dans un univers musical. ” Les pauvres », dit-il avec un soupçon de sourire. Joanne, 16 ans, et Maxine, 14 ans – depuis samedi – jouent du hautbois et de la flûte et chantent dans la chorale académique. “ C’est une façon de passer du - ensemble et de vivre cette relation avec les autres. Mais cela demande un engagement individuel, cela implique de faire des gammes tous les jours, et la difficulté parfois d’intégrer cette pratique dans le -. » Persévérer, être rigoureux, s’élever et s’épanouir nécessitent certains sacrifices. ” La persévérance est de mise mais le « terroir » joue aussi un grand rôle. Ils ne m’ont pas laissé abandonner. »
Unir par la musique
Les notions de famille et de groupe constituent le moteur des grandes chorales qu’il dirige, comme le Chœur régional de Nouvelle-Aquitaine ou Acad’OChoeur. L’esprit de corps est essentiel… tout comme l’exigence. ” C’est aussi une manière de les respecter d’être exigeant car cela veut dire qu’on a une ambition et qu’on veut les voir progresser. » Réussir à créer du lien, voir les chanteurs évoluer, ressentir la fierté dans les yeux de votre famille. Mathias accumule les succès. Une envie ? Continuez la transmission bien sûr. ” J’aimerais créer une sorte d’internat d’excellence pour les enfants issus de milieux défavorisés avec de la musique l’après-midi et un environnement scolaire le matin, pour que la musique les aide autant qu’elle m’a aidé. C’est le prochain projet qui m’occupera certainement pendant les vingt-quatre dernières années avant la retraite. » Alors il ne s’arrêtera jamais ?
Photo Dylan Lalande
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