Bachar al-Assad est tombé. Personne ne le regrettera. En vingt ans de dictature et dix ans de guerre civile, lui et sa clique auront réussi à transformer la Syrie en une dystopie infernale.
Pire sans doute que l’Irak de Saddam Hussein, et pourtant ce dernier avait mis la barre très haute, la Syrie, ou du moins ce qu’il en reste, n’était qu’un immense laboratoire Captagon, dirigé par des dealers aussi corrompus que vicieux. Ils ont laissé ceux du peuple syrien qui n’avaient pas quitté ce pays mort-vivant avec une seule perspective, la misère et la souffrance et un seul choix : devenir une victime ou un bourreau.
Personne ne s’attendait à une chute aussi rapide du régime. Cela prouve qu’il était pourri jusqu’à la moelle et qu’il ne tenait plus à rien. Uniquement sur la peur qu’il pouvait encore faire naître sur ceux qui étaient censés protéger l’Etat et par la grâce de ses alliés. Au moment de l’offensive HTC (Hayat Tahrir al-Sham), le Hezbollah, qui avait combattu aux côtés de l’armée syrienne contre Daesh, et la Russie, qui avait sauvé le régime à plusieurs reprises, n’étaient plus là. Quant aux soldats de l’armée syrienne, ils ont baissé les armes plutôt que de mourir pour un Caligula.
Une divine surprise pour Netanyahu
Bien sûr, tout le monde n’est pas content pour de bonnes raisons. Pour le gouvernement israélien, c’est une surprise, sans doute une surprise divine. Aussi, au lendemain de la chute du clan Assad, l’armée israélienne a lancé une campagne de bombardements aussi illégale qu’inédite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qui vise à détruire l’ensemble des infrastructures militaires de la Syrie, menant plus de 600 frappes au clavier. moins d’une semaine. La dernière en date, dans un dépôt d’armes du port militaire de Tartous, a provoqué une explosion et un séisme de magnitude 3 sur l’échelle de Richter. Pour combien de morts ? Aucune idée.
Aujourd’hui, la Syrie est essentiellement un pays démilitarisé. Surtout, l’État israélien a dénoncé les accords de 1974 et s’est avancé sur le territoire syrien en occupant le mont Hermon dans le Rif Dimashq au nord, à une vingtaine de kilomètres de Damas, à l’ouest jusqu’à Qouneitra et au sud dans les premiers villages du gouvernorat du Daara près de la frontière jordanienne. Au même moment, Netanyahu annonçait au monde qu’Israël occuperait le Golan pour l’éternité, tandis que son gouvernement proposait une loi visant à doubler la population de colons juifs dans le Golan occupé.
La machine colonisatrice d’Israël
Pour le gouvernement israélien, le génocide de Gaza, la destruction d’une partie du Liban et maintenant l’occupation de nouvelles portions des terres syriennes ne sont que la continuation d’une seule et même politique, c’est-à-dire la mise en œuvre du projet messianique et fasciste de Le Grand Israël, le retour aux frontières bibliques de la terre d’Israël. Peu importe que le cadastre biblique soit imprécis et que même parmi les sionistes messianiques, il soit difficile de s’entendre sur l’endroit où placer les frontières. Au Sinaï, au désert jordanien, au fleuve Litani au Liban et au mont Hermon en Syrie, ou à l’Euphrate en Irak ? Ce qui compte c’est que la machine colonisatrice ne s’arrête pas et avec elle la guerre contre « la jungle arabe » ni l’un ni l’autre. Netanyahu, qui sait que si la guerre s’arrête, son pouvoir tombera, continuera aussi longtemps qu’il le pourra.
Pour la Syrie et le peuple syrien, tout commence. Nous devrons sortir de la guerre civile dans un pays ravagé, tenter de retrouver l’espoir d’une nouvelle vie, créer un espace démocratique pour tous les Syriens et toutes leurs communautés. Il faudra aussi trouver un compromis avec le peuple kurde. Face à eux, Israël, soutenu par les Etats-Unis, mais aussi la Turquie d’Erdogan, déjà présente en Syrie et massant ses troupes à la frontière juste en face de Kobané, envisagent avec délectation le découpage de la Syrie.
Thomas Rid
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