Qualcomm a acheté Nuvia il y a quelques années pour 1,4 milliard de dollars. Cette petite entreprise, fondée par trois anciens ingénieurs d’Apple, travaillait initialement sur les puces pour serveurs. C’était la condition de la licence accordée par la société anglaise Arm. Pour rappel, celui-ci développe l’architecture du même nom, que l’on retrouve dans presque tous les smartphones et dans un nombre croissant d’ordinateurs, dont ceux d’Apple équipés de puces Apple Silicon (série M). Arm ne fabrique pas directement de puces.
Il y a deux mois pourtant, Arm est passé à l’attaque en déposant une plainte contre Qualcomm. La raison ? La licence accordée à Nuvia pour créer des puces de serveur personnalisées ne pouvait pas être utilisée pour créer des modèles pour ordinateurs et appareils mobiles. Cependant, Qualcomm a le vent en poupe, proposant le Snapdragon X (Plus et Elite) pour les PC Copilot+, poussé par Microsoft, et le Snapdragon 8 Elite pour les smartphones haut de gamme.
Arm a menacé Qualcomm de révoquer sa licence après 60 jours si aucune solution n’était trouvée. Et par solution, Arm entendait une mise à jour de la licence et une augmentation de la redevance prélevée sur les puces commercialisées par Qualcomm et basées sur le travail de Nuvia. Arm est allé jusqu’à demander la destruction de la propriété industrielle de Nuvia sur toutes les puces non liées aux serveurs.
Qualcomm « gagne » son procès
Au cœur de l’affrontement, la question des licences a été débattue. En résumé, Qualcomm disposait d’une certaine licence pour ses puces, et Nuvia une autre, plus chère. Qualcomm a décidé que sa licence mondiale plus avantageuse s’appliquait à toutes les puces conçues grâce à l’acquisition de Nuvia. Arm, bien sûr, n’était pas d’accord.
Comme le rapportent Bloomberg et Reuters, Qualcomm a finalement gagné contre Arm, au terme d’une procédure particulièrement rapide compte tenu des circonstances.
Dans ce procès, le jury a dû trancher sur trois questions principales. Deux ont reçu une réponse claire. Lorsqu’on lui a demandé si Qualcomm avait violé la licence de Nuvia, le jury a répondu « non ». Il devait également décider si la licence détenue par Qualcomm couvrait les puces développées par Nuvia après son acquisition. Cette fois, il répondit par l’affirmative.
Ces deux réponses à elles seules ont poussé Qualcomm à déclarer la victoire. Et pour cause : tout le travail accompli sur les puces Snapdragon X et 8 Elite a été validé par la justice. Il y avait cependant une troisième question : Nuvia a-t-elle violé sa propre licence en acceptant le rachat et le développement de puces pour ordinateurs et appareils mobiles par Qualcomm ? Cependant, le jury est intervenu et n’a pas fourni de réponse.
Une victoire aussi importante qu’incomplète
La victoire n’est donc pas nette, le jury n’ayant pas réussi à trancher sur l’un des points du litige. ” Je ne pense pas qu’aucune des deux parties ait remporté une victoire claire ou n’aurait remporté une victoire claire si cette affaire avait été rejugée. “, a déclaré la juge Maryellen Noreika à Reuters.
« Le jury a défendu le droit de Qualcomm à innover et affirmé que tous les produits Qualcomm en cause dans cette affaire sont protégés par le contrat de Qualcomm avec Arm », s’est de son côté réjoui Qualcomm.
L’affaire a cependant de fortes chances d’être rejugée, Arm ayant confirmé son intention de ne pas en rester là.
Le coût de la licence
Et maintenant ? Qualcomm peut pour l’instant poursuivre sa licence, en développant les technologies qui lui permettront de revenir dans la course à la performance avec les séries A et M d’Apple, à quasi-égalité (côté CPU). L’essai illustre cependant l’importance que l’architecture Arm a prise par rapport au x86 classique. Dans le domaine de la mobilité, l’efficacité des machines Apple Silicon et Snapdragon X Plus/Elite rend ce type de produits souhaitable pour un nombre croissant de personnes et d’entreprises. Et plus ils connaissent de succès, plus la question de la licence accordée par Arm devient centrale.
L’entreprise anglaise constate que son architecture se diffuse dans un nombre toujours croissant de produits et souhaiterait voir son chiffre d’affaires augmenter dans les mêmes proportions. Mais tout dépend de la licence accordée aux entreprises concernées. Dans le cas entre Qualcomm et Arm, on comprend pourquoi : la redevance négociée par Qualcomm est de 1,1 % (soit 0,58 $) pour chaque puce vendue, celle de Nuvia est de 5,3 % (soit 2,2 dollars). On comprend mieux les demandes d’Arm concernant les puces sorties cette année par Qualcomm. Les documents révélés lors du procès faisaient état d’un manque à gagner de 50 millions de dollars pour Arm.
Il est probable cependant que ces derniers ne s’arrêteront pas là et relanceront une procédure pour trancher le point sur lequel le jury n’a pas pu répondre. Une victoire d’Arm pourrait être violente pour Qualcomm, avec un possible arrêt de la commercialisation de ses dernières puces Snapdragon. Gerard Williams, co-fondateur de Nuvia, a déclaré plus tôt ce mois-ci que la société utilise uniquement « un pour cent ou moins » de la technologie Arm. Mais la proportion n’a pas d’importance dans le cadre de la licence : l’architecture Arm est utilisée ou non.