RAPPORTAGE – Plus que la beauté du voyage, c’est son prix et sa régularité qui devraient durablement séduire les voyageurs.
“Es-tu sûr que c’est le bon train ?” » demande une femme à son compagnon. Sur les quais de la Gare du Nord à Paris, les voyageurs embarquent en direction de Bruxelles. Sur la voie numéro 8, un Eurostar habillé de rouge s’apprête à repartir. Mais je suis sur la voie 15, et le train dans lequel je m’apprête à monter affiche clairement ses couleurs : violet et bleu, le design caractéristique de l’offre OuiGo.
Depuis le 19 décembre, la SNCF a lancé une toute nouvelle liaison entre les deux capitales en partenariat avec la SNCB, son homologue belge. La différence ? Tout d’abord, la durée du trajet : 3 heures, contre 1h22 sur la ligne à grande vitesse. Son prix surtout : mon billet, acheté la veille, m’a coûté 19 euros. Le même jour, l’Eurostar affichait invariablement 109 euros pour le même trajet, en 2e classe.
Je me sens un peu nostalgique en montant à bord, car cette ligne n’est pas nouvelle : jusqu’en 1996, le train s’appelait “L’Étoile du Nord” a réalisé cette même liaison en moins de 3 heures, avant d’être remplacée par une ligne à grande vitesse (le Thalys), ramenant progressivement les deux capitales à 1h58, puis 1h22 l’une de l’autre. Les opérateurs ferroviaires estimaient à l’époque que la ligne classique n’avait plus d’intérêt. 28 ans plus tard, le voici de retour sous une nouvelle forme : vous avez dit retour vers le futur ?
Un accent flamand
A bord, première surprise : le matériel roulant est belge. Le logo de la SNCB est également affiché presque partout. Informations obtenues, les voitures datent des années 90, et étaient utilisées sur des routes régionales. Niveau confort en revanche, rien à redire : même en 2ème classe, l’espace pour les pieds est suffisant, les sièges sont confortables. Dans chaque rang, une prise vous permet de brancher vos appareils électroniques, à condition de vous entendre avec votre voisin de rang : il n’y en a qu’une pour deux. Les espaces bagages, situés en hauteur, sont larges, bien que tous pleins. “Puis-je vous aider avec votre sac, madame?” » demande élégamment un jeune homme.
12h28 : le départ de la Gare du Nord est pile à l’heure. Seul l’accent flamand du contrôleur, et l’annonce en trois langues – français, néerlandais et anglais, permettent de soupçonner notre destination.
Une demi-heure plus tard, notre train entre en gare de Creil, son premier arrêt. Peu de voyageurs montent ou descendent : la plupart feront la totalité du voyage. Comme dans tous les trains OuiGo, il n’y a pas de wagon-bar ni de service de restauration à bord. Je décide de sortir mon sandwich, acheté par précaution avant le départ dans une des excellentes boulangeries du quartier.
Une fois de plus en mouvement, mon voisin d’une quarantaine d’années tente de s’endormir, sans grand succès. Habitant Compiègne, elle m’explique qu’elle est une habituée de Paris – Bruxelles : « D’habitude, je prends le TGV mais via Lille. C’est beaucoup moins cher ». Et le bus ? Soupir de l’intéressé : « Franchement, je l’évite. C’est très long et fatiguant. Mais chacun fait de son mieux en fonction de son portefeuille. » Elle m’explique qu’elle a payé son billet 19 euros. « J’espère que les prix n’augmenteront pas trop ! » »
Une sensation étrange
Petit à petit, tout le Nord de la France et ses paysages défilent : les champs cèdent la place aux zones commerciales, et les gares désaffectées aux lacs. Au loin, j’aperçois la cathédrale Saint-Quentin : le train y fera un arrêt par jour à partir du mois d’avril. Dans les huit voitures, une foule colorée de tous âges passe le temps. Je compte beaucoup de familles, et… près de quatre personnes occupées à tricoter – je ne savais pas que cette pratique était redevenue à la mode.
A Aulnoye-Aymeries, les montées et descentes sont déjà plus importantes. Sur la plateforme, les journalistes interrogent les voyageurs, visiblement ravis par le service, et surtout… par son prix. Le prix d’un billet simple est annoncé entre 10 et 59 euros. Une offre plutôt attractive : depuis la fin de l’offre Izy Thalys, en 2022, il n’existe en effet plus d’offre à bas prix entre les deux capitales. Cette nouvelle ligne pourrait donc répondre à un réel besoin, même si seulement trois rotations par jour sont prévues pour l’instant dans les deux sens, entre Paris Gare du Nord et Bruxelles Midi.
Je décide de pousser jusqu’au dernier wagon : derrière la vitre, les rails défilent et se fondent les uns dans les autres dans un rythme hypnotique. Soudain, le train ralentit imperceptiblement : nous traversons la frontière. Seul le changement d’opérateur sur mon téléphone portable permet de constater le changement. Nous voici à la toute nouvelle gare de Mons, avec son impressionnante structure blanche. Sur le quai d’en face, un train tagué donne néanmoins à l’ensemble une impression étrange. De retour dans ma voiture, je constate que mon voisin a réussi à s’endormir.
15h21 : le palais de justice de Bruxelles avec sa coupole dorée est enfin en vue. Nous arrivons par le même pont que celui qu’emprunte habituellement l’Eurostar. Nous voilà reçus sur la piste 10, presque à l’heure, avec un rayon de soleil hivernal – qui a dit que la Belgique ne savait pas recevoir ? “C’était cool dans le train, on a pu jouer !” s’exclame un enfant enthousiaste en descendant avec ses parents. Dans la gare, des affiches publicitaires font la promotion de la toute nouvelle ligne : « Paris, pour le prix d’un sac de croissants. » En français et en flamand, bien sûr.