Chloé Delaume, auteur de « Pauvre Folle », s’écarte de l’autofiction et crée un fantasme revigorant, où les super-héroïnes s’organisent en communauté pour éradiquer les violences des hommes envers les femmes.
Il s’agit d’un texte à part dans l’imposante production littéraire de Chloé Delaume, qui a écrit une trentaine de livres en une vingtaine d’années. Une sorte de conte initiatique en forme de pamphlet colérique, bien loin des textes autofictionnels auxquels l’auteur nous a tous habitués ces dernières années, comme « Le Cœur synthétique » qui lui a valu le Prix Médicis en 2020.
On retrouve pourtant ici les phrases très imaginatives de la romancière et interprète, mélange de classicisme et d’audace formelle, son goût pour le rythme alexandrin mis au service d’un langage brut. Ovni ravissant dans le paysage littéraire, ce « Phallers » est avant tout une arme. Originalité, le livre dispose d’une bande sonore, d’un QR code en fin d’ouvrage permettant d’écouter des chansons présentes dans le texte et interprétées par Delaume elle-même.
La sororité est un outil extrêmement précieux pour faire tomber le patriarcat. On voit bien que ces dernières années, les filles se sont organisées et réagissent en groupe. Quand vous dérangez ou attaquez une fille dans la rue, s’il y en a d’autres autour, elles réagissent. Ce n’était pas le cas auparavant.
Combattez les masculinistes
Ou encore une adolescente de 17 ans, Violette, qui découvre par hasard un super pouvoir, celui de faire exploser les phallus des violeurs. Première victime : son beau-père, qui la maltraitait depuis des années. Elle atterrit dans une communauté de femmes dotées du même don, qui s’organisent pour combattre les masculinistes. A travers leurs actions, Delaume pointe du doigt les comportements problématiques des hommes de pouvoir, en organisant par exemple une soirée d’étudiants en école de commerce.
D’abord très résistante à la violence, Violette va peu à peu prendre conscience de l’oppression patriarcale. Delaume ponctue son texte de références littéraires, au premier rang desquelles le manifeste féministe de Valérie Solanas, le fameux « SCUM Manifesto ».
Les mâles alpha gémissent ou s’emportent, répétant « Nous ne pouvons rien dire de plus. » Les Couillidés avec un minimum de matière grise sont introspectifs, beaucoup d’entre eux ont les mains moites en entendant des phrases comme « Céder n’est pas consentir ».
Dénoncer la culture du viol
C’est drôle, bien sûr. Ce texte, comme les précédents de Delaume, est porté par un humour léger et facétieux. Mais ce n’est pas seulement drôle. Delaume analyse en féministe la culture du viol qui gangrène nos sociétés et qui n’a été dénoncée que récemment.
Pour preuve, cet épisode de « Maguy », une sitcom anodine diffusée en prime time dans les années 1980 et destinée à un public familial, que Chloé Delaume a déniché et décortiqué dans son livre. L’héroïne vient d’être violée et, appuyé par des rires enregistrés, ce qu’elle a vécu était considéré à l’époque comme un incroyable soulagement comique.
Sylvie Tanette/mh
Chloé Delaume, « Phallers », éd. Points, avril 2024.
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