«J’ai mis les pieds en enfer»

«J’ai mis les pieds en enfer»
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« Douleurs terribles », « perte de poids », « dépression »… Arnaud Denis, acteur de théâtre, a vécu une véritable descente aux enfers suite à une banale opération aux adducteurs. Opéré d’une hernie inguinale en juillet 2023, l’acteur explique que son cauchemar a commencé, trois semaines après l’intervention chirurgicale, alors qu’il répétait le rôle de Valmont dans “Les liaisons Dangereuses”, une pièce qu’il a mise en scène et dont la programmation a débuté. à la rentrée scolaire. « La douleur était si intense que j’ai dû me retirer du projet au bout d’une semaine », se souvient-il. Arnaud n’est toujours pas remonté sur scène.

Cloué au lit par une fatigue chronique invalidante, l’acteur de 40 ans a vu sa santé se dégrader au fil des semaines, y compris sa fonction sexuelle : “J’avais des douleurs abdominales de plus en plus intenses, des nausées permanentes, des acouphènes, des tremblements… Des problèmes d’éjaculation… J’ai perdu 17 kilos en trois”. mois. » Aujourd’hui, Arnaud souhaite alerter sur les complications graves liées aux « filets » utilisés en chirurgie des hernies. Des risques dont les patients sont mal informés.

Prothèses ou « filets » utilisées dans le traitement de la hernie inguinale.

©DR

La hernie inguinale touche 1 homme sur 4

De quoi parle-t-on exactement ? Un dispositif médical utilisé depuis des décennies dans le traitement des hernies. Appelée « treillis », « voile », « maille », « filet » ou « plaque », il s’agit d’une prothèse synthétique (polypropylène), de taille variable, le plus souvent utilisée en chirurgie des hernies inguinales. , une pathologie qui touche un homme sur quatre. L’intervention chirurgicale consiste à réintégrer dans l’abdomen la partie de l’organe qui est emprisonnée dans le canal inguinal (là où passe le cordon qui relie l’abdomen aux testicules) et à poser un filet. En créant localement une réaction inflammatoire, la prothèse stimule la croissance du tissu cicatriciel (fibrose), qui renforce la paroi abdominale.

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Personne ne vous dit qu’en cas de problème, il sera très compliqué, voire impossible, de retirer la prothèse.

Arnaud-Denis

150 000 « cures » de hernie inguinale sont réalisées chaque année en . Par voie ouverte ou mini-invasive (laparoscopie), cette chirurgie avec prothèse est le traitement de référence car elle limite le risque de récidive à 2% contre 10 à 15% pour la technique avec sutures. « Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que la récidive n’est rien comparée aux risques liés à l’implantation d’un morceau de plastique dans le corps. Nous ne vous prévenons pas qu’en cas de problème, il sera très compliqué, voire impossible, de le supprimer complètement”, précise Arnaud.

Des mois d’errance médicale

Après l’opération, l’acteur s’est senti livré à lui-même. Chirurgiens digestifs, urologues, gastro-entérologues… Arnaud va de spécialiste en spécialiste. « Les chirurgiens ne veulent pas s’occuper des complications et vous orientent vers des spécialistes qui ne comprennent rien. Pour être soigné dans un centre antidouleur, il faut généralement attendre 9 mois. Ils ne connaissent pas la douleur inguinale. Nous allons vous tirer dessus et c’est tout. C’est la solution proposée par l’AP-HP ! » Des mois d’errance médicale sans jamais soupçonner une complication liée à la prothèse.

Avec le temps, la prothèse durcit, peut se fissurer et devenir blessante

Arnaud-Denis

C’est un groupe privé, sur Facebook, qui lui permet de tenir le coup : 4 000 membres « du monde entier » incriminent le treillis utilisé en chirurgie des hernies. « J’ai découvert qu’ils avaient les mêmes symptômes que moi ! C’est alors que j’ai compris dans quel enfer je m’étais retrouvé involontairement… Il y a beaucoup de situations désespérées… Les problèmes apparaissent parfois des années après l’opération. Avec le temps, la prothèse peut migrer ou durcir. Fendre et blesser les tissus environnants. Il y a des gens dont le maillage érode l’os pubien et qui se retrouvent avec des problèmes de hanche… Je parle avec une personne qui ne peut pas être opérée d’un cancer de la vessie à cause de deux prothèses qui en empêchent l’accès. Personne n’en parle en France”, s’indigne l’acteur.

Le taux de complications pourrait concerner entre 12 et 30% des patients

À l’échelle internationale, des plaintes de patients émergent. Des dizaines de milliers de poursuites pour dommages corporels sont en cours aux États-Unis. En Grande-Bretagne et en Australie, des enquêtes sociales ont révélé que la majorité des patients interrogés n’avaient pas été suffisamment informés des risques de complications graves liées à la chirurgie d’une hernie.

Dans un documentaire diffusé sur la BBC fin 2018, on voit des patients isolés, incapables de marcher ou de travailler depuis qu’ils ont été opérés. D’autres sont devenus suicidaires. Selon ce rapport, le taux de complications pourrait toucher entre 12 et 30 % des patients. “Les personnes souffrant de complications ont besoin d’aide, pas de silence”, a immédiatement répondu le porte-parole du Royal College of Surgery. Il est également nécessaire de poursuivre l’examen des données pour garantir que les études précédentes n’ont pas négligé un problème grave et répandu.

Fin 2018, l’Australie a décidé, « avant l’Europe », de classer les treillis chirurgicaux comme « à haut risque » en raison des « graves inquiétudes liées à l’utilisation de ces dispositifs ».

Complications similaires à celles des implants vaginaux

Ces complications rappellent les dégâts provoqués par les implants vaginaux, des dispositifs médicaux fabriqués dans le même matériau que les implants herniaires. Les patients opérés d’une hernie sont-ils exposés aux mêmes dommages que des milliers de femmes dans le monde ? Destinés au traitement de l’incontinence urinaire (bandelettes) et de la descente d’organes (implant de renfort), les implants vaginaux sont désormais interdits en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis et ne peuvent plus être proposés en France. première intention.

Il ne doit y avoir aucune confusion entre les différents dispositifs médicaux implantables.

Pr David Moszkowicz

« Aux Etats-Unis, il y a des avocats spécialisés dans les hernies inguinales, des gens qui s’intéressent désormais aux polluants qui peuvent se trouver dans les mailles. Les Américains ont peur des prothèses PIP (implants mammaires) et confondent différents dispositifs médicaux implantables », prévient le professeur David Moszkowicz, chef du service de chirurgie digestive de l’hôpital Louis-Mourier (AP-HP) et secrétaire de la Société française de chirurgie pariétale. « Le phénomène de migration et d’érosion de l’implant vaginal (bandettes) est un phénomène réel, bien connu des urologues et gynécologues. Les prothèses utilisées au niveau de la paroi abdominale ne sont pas en contact direct avec les organes et ne posent pas ce type de problème. »

Les problèmes ne sont pas dus au matériel, mais à la pathologie, au terrain du patient et à la technique utilisée.

Pr David Moszkowicz

Le chirurgien l’assure, les dispositifs médicaux utilisés pour la chirurgie des hernies sont “ultra-étudiés, validés et recommandés”. « Depuis l’affaire des prothèses PIP, le système de validation est devenu de plus en plus contraignant. Dans la majorité des cas, les problèmes rencontrés sont dus, non pas au matériel, mais à la pathologie elle-même, au terrain du patient et à la technique utilisée. » Dans la chirurgie des hernies de l’aine, c’est essentiellement « le risque de douleurs chroniques qui peuvent être très invalidantes et concernent 6 à 8 % des patients », explique-t-il, précisant qu’il est moins important lorsque l’opération est réalisée par laparoscopie.

Le retrait de la prothèse nécessite souvent plusieurs opérations

Le professeur Moszkowicz ajoute que le risque pour le cordon spermatique est faible et lié à l’intervention chirurgicale elle-même et que l’infection de la prothèse (appelée à tort « rejet » ou « allergie ») est un risque exceptionnel (0,35 % des cas) mais peut nécessiter son retrait. de l’implant. Une demi-douzaine de services en France savent le faire « correctement », explique-t-il. Mais pour le patient, cela peut prendre plusieurs années… Jusqu’à dix ans ! « Il arrive parfois que le patient soit mal orienté par un chirurgien qui ne sait pas comment s’y prendre. Le plus souvent, cela prend beaucoup de temps car la prothèse est très encastrée et son retrait nécessite plusieurs opérations. Mais on y arrive ! »

Une intervention chirurgicale très risquée

Arnaud est parti « sauver sa peau » à New York. Le 11 avril, il était entre les mains d’un spécialiste de l’hôpital Mont Sinaï, un centre spécialisé dans l’explantation de prothèses murales avec assistance robotique (Da Vinci). Chirurgie de haute précision pour une procédure particulièrement délicate. “La prothèse est tellement collée aux vaisseaux sanguins et aux nerfs qu’on risque de graves complications, des séquelles à vie”, explique l’acteur.

J’ai payé 45 000 euros pour sauver ma santé et ma carrière.

Arnaud-Denis

C’est une troisième consultation chez un nouvel urologue, en février, qui a mis en lumière ce qu’il redoutait depuis plusieurs semaines : le testicule situé du côté de la prothèse montre un début d’atrophie car il n’est plus correctement vascularisé. . Cela est dû à la pression de la prothèse sur le cordon spermatique : le treillis doit être retiré. Ses compagnons d’infortune lui conseillent de partir aux Etats-Unis. « J’ai eu pendant des mois un terrible sentiment de mort imminente… J’ai payé 45 000 euros pour sauver ma santé et ma carrière. »

L’intervention chirurgicale, qui a duré trois heures, a été un succès. La prothèse a été explantée sans dommage aux tissus ni au cordon spermatique. Deux semaines après l’opération, toutes les douleurs d’Arnaud ont disparu et sa fonction sexuelle a été rétablie. « C’est miraculeux ! Ce chirurgien m’a sauvé la vie”, raconte l’acteur. Aujourd’hui, Arnaud crée une association en faveur des victimes de prothèses herniaires. Depuis son message d’alerte sur Facebook en décembre, il dit recevoir trois à quatre messages par jour. « Des patients qui souffrent et sont abandonnés par le système médical. »

 
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