Jason est un professeur de physique non seulement satisfait de son sort, mais fondamentalement heureux. Le quotidien avec Daniela, qui après des années de mariage reste la femme de ses rêves, est doux. De plus, Jason partage un réel lien avec leur fils unique, Charlie. Pourtant, l’existence de Jason est encore plus enviable qu’il ne le croit, car un soir, un double de lui-même le kidnappe, l’abandonne dans une dimension parallèle, puis prend sa place auprès de Daniela et Charlie. Thriller de science-fiction aux airs de course contre la montre, la série Matière noire a pour toile de fond tous ces choix que l’on fait, ou non, et les répercussions de ceux-ci dans une infinité de réalités. Des réalités qui changent constamment, en fonction des décisions prises, chaque décision donnant naissance à une réalité supplémentaire.
Divisée en neuf épisodes, cette ambitieuse production Apple TV+ a été créée par Blake Crouch, à partir de son propre roman à succès publié en 2016. Pour mémoire, l’ouvrage a reçu d’excellentes critiques, beaucoup louant son équilibre savant entre contenu intelligent et divertissement palpitant.
Pour l’essentiel, la série maintient cet équilibre. En fait, les concepts quantiques présents sont rendus parfaitement digestibles, souvent par l’action. Et puis, c’est vrai que les « multivers » de Marvel et consorts Tout partout en même temps (Tout partout en même temps), Daniels, ont contribué ces dernières années à nous familiariser avec les notions abstraites de cohabitation et/ou de communication de mondes parallèles.
L’intrigue de Matière noire reste judicieusement terre-à-terre, si l’on veut, son moteur dramatique résidant dans la quête de Jason pour retrouver « sa » dimension, celle où Daniela et Charlie commencent à se demander ce qui ne va pas chez son double, Jason2.
En chemin, notre errant quantique voyagera à travers de nombreuses réalités et rencontrera de nombreuses variantes de Daniela. Il faut savoir que, dans sa dimension originelle, Jason2 a un jour pris la décision de ne pas épouser cette dernière et de plutôt poursuivre ses recherches scientifiques. D’où cette invention révolutionnaire rendant possible le voyage interdimensionnel…
Si certaines de ces dimensions s’avèrent très proches de celle dont Jason a été arraché, d’autres se révèlent très différentes, par exemple suite à une crise environnementale encore plus accélérée. A cet égard, qu’ils soient subtils ou spectaculaires, les effets spéciaux sont toujours bons.
Détails et nuances
Des personnages secondaires intéressants, la plupart avec leurs propres variations, peuplent la série. Cependant, le tout repose d’abord sur les épaules de Joel Edgerton (Guerrier / Guerrier ; Maître jardinier) et Jennifer Connelly (Requiem pour un rêve / Retour à Brooklyn ; Un bel esprit / Un homme exceptionnel), tous deux habiles dans leur manière d’injecter des détails et des nuances dans les différentes versions de leurs personnages respectifs.
Le principal inconvénient, et cela concerne plusieurs séries, est une tendance à s’étirer excessivement. Trop souvent, des pages entières de dialogues totalement inutiles (ou mémorables) ralentissent l’action plutôt que de la faire avancer. Comme si, Matière noire est une très bonne série de neuf épisodes, mais cela aurait pu être une belle série de six ou sept.
Ceci étant dit, la principale qualité de la production réside dans sa capacité à développer un drame intimiste tout en déployant des univers foisonnants. Parce que, comme nous l’a dit Jennifer Connelly dans une interview, Matière noire dresse au fond le portrait d’un mariage mis à mal de manière assez singulière… pour ne pas dire cosmique.
