« Il faut s’imaginer dans la peau d’un singe »

« Il faut s’imaginer dans la peau d’un singe »
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Il y a un Belge qui a joué la main La Planète des Singes : Le Nouvel Empire. Non pas pour faire des pitreries, mais en expert de la palette graphique. Bruno Pollet, bien que méconnu du grand public, affiche une très belle filmographie en tant que technicien d’effets spéciaux.

Jugons par nous-mêmes : deux épisodes de la trilogie de Hobbit par Peter Jackson, Avatar : La Voie de l’Eau par James Cameron, Transformers : Le Soulèvement des Bêtessans oublier les quatre épisodes de la nouvelle saga de La planète des singes. Au fil des années, cette diplômée de l’école française Supinfocom a gravi les échelons au sein de Weta FX (anciennement Weta Digital, cofondée par Peter Jackson pour la trilogie de le Seigneur des Anneaux), jusqu’à ce qu’il devienne Artiste senior en simulation de mouvement sur cet épisode.

En quoi consiste ce métier de « Senior Motion Simulation Artist » ?

Le département Mouvement s’occupe donc de tout ce qui concerne les mouvements des personnages. Il est divisé en trois sous-départements : animation traditionnelle, animation faciale et simulation de mouvement. L’animation traditionnelle consiste à animer des créatures image par image. L’animation faciale ne concerne que les visages. Là simulation de mouvement, pour lequel je travaille, consiste à ajouter une couche d’effets physiques ou de mouvements difficiles, voire impossibles pour les acteurs. Nous travaillons à partir de captation de performances d’acteurs ou de cascadeurs. Par exemple, si un personnage doit tomber d’une falaise, le cascadeur ne tombera que de deux mètres. On va allonger la chute, ajouter des rebondissements, par exemple si le personnage doit se cogner ou rebondir sur un rocher…. Tous ces paramètres sont gérés dans ce qu’on appelle une simulation physique.

Avez-vous un personnage particulier dont vous êtes responsable ou intervenez-vous dans toutes les scènes ?

Nous recevons plutôt des plans d’une séquence donnée. Si une séquence est divisée en quatre plans, on confie tous ces plans à la même personne, afin d’avoir une cohérence et une continuité du début à la fin. Par contre, il existe aussi pas mal de séquences où il y a beaucoup plus de plans, parfois jusqu’à une cinquantaine ou plus… Dans ce cas, il est difficile de gérer seul une quinzaine de plans. Nous partageons donc la tâche. C’est un travail d’équipe qui nécessite beaucoup de communication. Nous effectuons la plupart du travail derrière nos ordinateurs, mais nous communiquons beaucoup les uns avec les autres.

Vous travaillez sur la saga « La Planète des singes » depuis 2011. Y a-t-il eu une évolution majeure ?

Techniquement, les outils évoluent, mais l’outil principal que nous utilisons était déjà très bon au départ. C’est davantage pour le confort de l’artiste et de l’utilisateur que le changement est majeur. En revanche, l’ajout de tous ces outils physiques dont j’ai parlé est relativement nouveau. C’est pourquoi il y a de plus en plus artistes de simulation de mouvement par rapport à ce qui existait il y a trois ans. Je pense que j’étais le premier. Nous ajoutons progressivement des logiciels qui exploitent un peu plus la physique des corps. Avant, c’était principalement artistique, maintenant le programme peut, par exemple, attirer notre attention sur des erreurs, par exemple deux membres qui se mélangent dans l’image. On peut donc corriger directement et atteindre plus de réalisme.

Ce qui est cruel dans votre travail, c’est que s’il réussit, votre travail est invisible.

C’est exactement le point. En effet, il faut réinterpréter le jeu des acteurs. Parce qu’un chimpanzé n’a pas les mêmes proportions corporelles qu’un être humain. Le bassin doit être réajusté vers le bas. Les jambes sont plus courtes, les bras plus longs. En gros, lorsqu’il prend un accessoire en main, il va falloir modifier le mouvement de son bras. La base reste la performance de l’acteur ou du cascadeur, qui sera accentuée le cas échéant. On peut par exemple augmenter le rythme respiratoire ou accentuer la respiration pour apporter un peu plus de stress. Il s’agit ici d’un travail plus détaillé, car nous travaillons sur des gros plans. Notre priorité est le contact visuel. C’est la base de l’animation. Le regard doit être le plus proche possible de l’expression humaine.

Les clichés que vous recevez sont-ils filmés sur fond vert ou dans des décors naturels ?

Dans l’ensemble, ils sont filmés dans des lieux réels. Mais nous recevons les données des acteurs séparément. Pour simplifier, on reçoit une sorte de petit squelette animé de l’acteur, en 3D. On part de ce squelette pour animer et corriger les mouvements ou les proportions. Nous disposons d’outils spéciaux pour cela. Et on pourra ajuster la rotation du bassin, la courbure du torse… Mais on garde toujours l’image avec les références du personnage Source.

Lorsque vous faites un métier comme le vôtre, quelles sont les sources d’inspiration ? Toujours le vrai ?

Pour moi, la base, c’est la réalité, oui. Tout simplement, on commence par aller au zoo pour observer les singes pendant des heures. Et puis, on a des sources filmées, des documentaires,… Les singes sont très particuliers. Ils ont pratiquement quatre mains. Il y a tout un mouvement du corps qui doit être pris en compte, par exemple dans les scènes d’action ou de combat. Nous ne commençons pas à travailler avant d’avoir fait ce travail d’observation des animaux. Il faut s’imaginer dans la peau d’un singe flottant parmi les ruines d’un gratte-ciel.

On parle beaucoup d’intelligence artificielle. Cela suscite-t-il des craintes dans votre domaine ?

Pas vraiment. Nous utilisons déjà l’intelligence artificielle, mais plus pour le catalogage. Nous réutilisons tellement de mouvements que nous avons entraîné un logiciel d’intelligence artificielle à archiver les séquences de mouvements dans une base de données basée sur des mots-clés. Sur la partie artistique et créative, dans notre département, l’intelligence artificielle n’intervient pas du tout, pour le moment.

 
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