les secrets de « La Marseillaise en peinture »

les secrets de « La Marseillaise en peinture »
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P.pour votre oncle, historien du dimanche, cela ne fait aucun doute : le célèbre chef-d’œuvre d’Eugène Delacroix, peint en 1830, La Liberté guidant le peuple, est une ode à la Révolution française ! Mais l’huile sur toile est en réalité inspirée d’un événement survenu quarante ans plus tard, la révolution de juillet 1830.

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Alors que la monarchie est restaurée, le roi Charles X décide de restreindre fortement la liberté de la presse. Un mouvement, composé en grande partie de journalistes et de rédacteurs, se soulève contre ces restrictions. Des émeutes, ayant lieu du 27 au 29 juillet à Paris, provoquent la chute de Charles X et l’avènement de Louis Philippe.

Un tableau jugé trop réaliste

En fin de compte, peu importe si ce tableau est souvent associé à tort à la Révolution française. Virginie Cauchi, docteur en histoire de l’art, et auteur de l’ouvrage Eugène Delacroix et la critique (éditions Mare et Martin, 2022), n’y voit aucun problème, bien au contraire : « C’est une peinture qui s’adapte à toutes les révolutions. La Liberté guidant le peuple » enfonce le clou dans notre tempérament très exigeant et vengeur. C’est La Marseillaise en peinture ! » explique-t-elle à Indiquer.

Pourtant, lorsqu’Eugène Delacroix présente son tableau au public en 1831 au Salon de Paris, personne ne chante l’hymne national. L’accueil est très mitigé. D’emblée, nombreux sont ceux qui sont frappés par le travail au pinceau très (trop) réaliste de l’artiste. Le style brut et sans compromis de Delacroix, qui montre les corps des rebelles nus, sales, ensanglantés, et les cadavres déjà raidis par la mort, est déstabilisant. « Cependant, en 1830, l’école néoclassique était encore influente et le romantisme ne faisait pas l’unanimité. Nous sommes habitués aux corps idéalisés, comme David », explique le spécialiste Eugène Delacroix.

Coiffée d’un bonnet phrygien, le drapeau tricolore relevé vers le ciel, seins nus, impossible de ne pas remarquer cette jeune femme, qui n’a aucune identité. Mais Eugène Delacroix lui trouve un nom : « Liberté », tout simplement. Il en fait une allégorie de cette valeur cardinale pour lui, l’humaniste.

« Une femme du peuple »

A cette époque, les seins nus peuplent déjà les galeries des musées. Mais un détail choque le public : Madame a des poils sous les bras. « C’est une femme parmi les gens qu’on peut rencontrer dans la rue. Alors que dans la tête de beaucoup, alors, à l’époque, une allégorie doit être idéalisée. Mais pour Delacroix, la liberté est humaine, elle est en nous », estime le spécialiste du peintre.

En 1831, un autre détail fit sourciller le public. La plupart des confrères du peintre ont utilisé leurs meilleurs coups de pinceau pour dresser le portrait des « lauréats officiels » des Trois Glorieuses, avec Louis Philippe en tête. Eugène Delacroix représente le peuple au pluriel. « Pour beaucoup de journalistes qui ont participé aux révoltes, se voir mêlés à la foule sur cette photo ne fonctionne pas. On lui reproche d’être trop populaire», estime Virginie Cauchi.

Votre oncle, historien du dimanche, n’en démord pas, il vous assure désormais que le petit garçon, debout à droite de “La Liberté”, béret vissé sur la tête et revolvers dans chaque main, a inspiré le personnage mythique du Misérable : Gavroche. A l’époque, c’est très probable, mais peu de sources l’attestent. Une chose est sûre, les carrières d’Hugo et de Delacroix partagent plusieurs similitudes. Tous deux figures du romantisme, ils ont fait l’objet de critiques similaires, notamment au moment de la parution de Misérable.

« Mais Delacroix, bien que fervent humaniste, républicain et très profondément patriote, n’a pas fait de son œuvre un support de ses opinions politiques », explique Virginie Cauchi. Le peintre, contrairement à l’écrivain, préfère laisser parler son art plutôt que de s’engager ouvertement dans les affaires de l’État. En 1848, à l’occasion de la Révolution de Février, Victor Hugo lui reproche même de ne pas avoir fait une nouvelle La Liberté guidant le peuple. Mais Delacroix, fidèle à lui-même, persiste : « Si je ne me bats pas pour la patrie, au moins je peindrai pour elle », répète-t-il.

Depuis le 20 septembre 2023, le Louvre, privé de l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre, attend avec impatience le retour de cette huile sur toile restaurée. Les teintes, assombries par le temps, se revigorent. « Liberté » retrouvera bientôt toute sa splendeur. Qu’elle continue à guider les gens, ne serait-ce qu’en peinture.

 
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