le collectif Blick

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L’oeil de la photographie ouvre une nouvelle chronique sur le collectif photographique, avec les mots de Benjamin Rullier. Loin de la figure de l’artiste solitaire, les photographes choisissent de se regrouper en collectifs. Projets multipartites, ponts entre pratiques, réalités économiques : chaque mois, un membre fondateur ou actif présente son collectif, ses spécificités et ses enjeux. Rejoins le groupe!

Situé en Auvergne-Rhône-Alpes, fondé il y a plus de 10 ans par un groupe de photographes en reconversion professionnelle, créateur d’une salle d’exposition dans une commune de 300 habitants, Blick Photographie défend la volonté de créer ensemble sur un territoire. Rencontre avec Chloé Colin, co-fondatrice du collectif.

Comment êtes-vous arrivé à la photographie ?

J’ai toujours eu un intérêt pour l’art et la culture. Après mes études, j’ai travaillé à l’Institut des Beaux-Arts de Mexique et c’est là que je me suis permis de photographier. C’était un outil assez simple à utiliser mais finalement très exigeant : comprendre l’image, le langage photographique, l’utiliser comme support. Et puis mon père a pris des photos et il me les a transmises avant de mourir. Comme la photo est étroitement liée à la mort et au deuil, elle avait d’autant plus de sens.

Qu’est-ce qui a déclenché votre mouvement vers le collectif ?

En 2012, je cherche une formation de reconversion en photographie et j’entre à l’école Bloo de Lyon en cours de création. Durant une année de formation, nous avons eu la chance de faire des ateliers avec des stars aux regards très différents : Michael Ackerman, Anders Petersen, Jeffrey Wolin, Delphine Balley, Elina Brotherus, Olivier Culmann, Richard Dumas, Stéphane Charpentier. Et c’est vraiment l’atelier avec Bertrand Meunier de Tendance floue qui nous a beaucoup plu. Il nous a notamment raconté l’histoire du collectif. J’ai beaucoup aimé cette histoire de travail en commun : s’enrichir mutuellement de perspectives différentes, stimuler la créativité de chacun, se pousser vers l’exigence, éviter la complaisance, aller vers le meilleur.

Est-ce là que Blick est né ?

Avec Amandine Bailly, nous avons lancé l’aventure. Et puis il y avait Loïc Xavier qui est toujours avec moi comme co-réalisateur, Malika Mihoubi et Damien Brailly : nous étions tous en reconversion professionnelle. Comme Tendance Floue, nous avions envie de passer du temps dans les espaces photographiques et de travailler ensemble.

Pour vous, le travail de la photographie était donc immédiatement collectif ?

Le photographe est un métier d’auteur et comme celui d’écrivain il est assez solitaire et pour moi ce n’est pas ce que je recherche. J’aime être stimulé par l’échange.

Quelles ont été vos premières œuvres ?

Dès ma sortie de l’école, j’ai lancé un projet appelé Espèces d’espaces questionner l’interaction entre l’espace et l’individu. J’ai lancé un projet dans la ville de Saint-Fons et nous étions trois à y travailler. J’ai aussi commencé à parler de Blick, de toutes mes idées et nous sommes rapidement devenus partenaire photographique de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour animer des ateliers de pratique artistique. Nous avons travaillé avec la MJC de Villeurbanne que nous avons pu animer pendant une année entière. Et puis la Drac (Directions régionales des affaires culturelles) a changé de politique et a décidé d’allouer davantage de moyens aux campagnes considérées comme culturellement dégradées. Là, par exemple, nous avons été propulsés dans la commune de Tarare, entre Lyon et Roanne.

Comment avez-vous vécu ce changement ?

Certains pourraient être gênés d’arriver sur un territoire précis. On s’est aussi rendu compte que ce n’était pas si simple de travailler en collectif, parce qu’on avait des personnages différents, des styles d’écriture très différents. En effet, la Drac et la région Auvergne-Rhône-Alpes nous ont donné une direction que nous n’avions presque pas choisie au départ, mais tout en nous soutenant tant financièrement que moralement. C’était précieux.

Qu’est-ce qui est devenu la caractéristique, la direction, l’ADN du Blick ?

Le point de départ est le territoire : s’imprégner de l’espace de chaque œuvre avec notre écriture, avec notre regard.

La transmission et la médiation jouent également un rôle important.

Nous avons un message que nous avons toujours mis en avant : « Si vous ne nous laissez pas créer, la médiation ne sera pas intéressante. » Nous ne créons pas d’ateliers de médiation, nous élaborons chacun nos créations et nous partageons dès l’instant où nous créons. Nous avons trouvé la solution pour gagner notre vie tout en développant notre travail et en le défendant.

Est-ce cette volonté de défendre le travail des photographes qui vous a poussé à créer l’espace photographique du Grand Colombier ?

Nous avons souhaité mettre en valeur l’artistique, accueillir des photographes de qualité (Stéphane Charpentier, Sarah Ritter, etc.) dans de bonnes conditions. Déjà au sein de l’association on travaille bénévolement et ça peut être fatiguant, au moins on veut pouvoir rémunérer les artistes ! Et il était également logique de proposer ces expositions en pleine nature. Il n’y a rien sauf entre Lyon et Genève, on est au milieu. Malheureusement le lieu est en pause suite à une perte de soutien et nous ne souhaitons pas faire d’exposition sans payer les photographes.

Est-ce une course continue au financement ?

Nous existons depuis plus de dix ans et c’est toujours un rythme effréné car nous avons toujours beaucoup de travail. Nous arrivons à un point où nous devrions embaucher quelqu’un pour gérer l’association. C’est une question d’argent et de temps, de refaire sans cesse les dossiers de financement.

Est-ce une des limites de ce modèle ?

Le modèle est bon, mais ce qui est difficile, c’est de gérer ce collectif. Tout le monde trouve ça bien, mais en matière d’administration et de coordination, il y a moins de personnes pour aider. Tous les artistes essaient de trouver leur économie : c’est toujours des compromis entre le temps de création et le fait de gagner sa vie. Rares sont ceux qui ont le temps de gérer une association à côté.

Qui sont les personnes qui composent Blick Photographie ?

Au début, nous avons intégré des photographes par le bouche à oreille, puis nous avons lancé des appels à candidatures. Nous nous sommes progressivement ouverts à d’autres médiums, mais nous souhaitons toujours que l’image soit au centre. Nous nous sommes tous formés un peu au son et à la vidéo, certains comme moi aujourd’hui abordent davantage le travail d’un artiste plasticien, mélangeant différents médiums artistiques.

Que peut apporter le collectif aux photographes ?

En plus de travailler ensemble, de mélanger les perspectives, lorsque de nouveaux artistes réalisent des projets via le collectif, il y a toute cette responsabilité qui les accompagne. Il facilite la validation des projets et les financements, il multiplie les réseaux dans ce petit monde de la photographie.

Pouvez-vous nous parler d’un projet en cours ?

Notre nouveau grand projet s’appelle DÉ/S/RIVES et se concentre sur le Rhône et l’eau. C’est un projet qui mêle photographie, son, vidéo et écriture porté par Ahmed Boubakeur, Loïc Xavier, Marine Lanier et moi-même. L’idée étant de lier discours scientifique et artistique autour de l’eau. Nous avons été invités à faire une résidence dans une école de Villeurbanne. Dans la partie atelier, il leur a été demandé de travailler sur « Rives et rêves », ce qui faisait sens dans cet établissement séparé du Rhône par l’autoroute. C’est un projet composé de plusieurs fragments qui sera réalisé jusqu’en 2026.

Plus d’information :

Photographe, auteur et journaliste, Benjamin Rullier explore l’image, le texte et leur manière de répondre les uns aux autres. Dans ses projets personnels, il mène un travail au long cours autour de thèmes humains comme le deuil, le temps libre et le rapport au corps. En collaborant avec les médias culturels (L’Oeil de la Photographie, Kostar, Wik) et sociaux (La Topette, Bobine Magazine), il aime construire des ponts entre culture et société, notamment autour de portraits photos et de textes.

 
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